Délai de prescription pour demander la démolition d’un ouvrage public.

Le 19 Déc 2023

Par Patrick Gaulmin

Dans un arrêt du 27 septembre 2023, le Conseil d’État juge que l’action en démolition d’un ouvrage public illégal n’est soumise à aucune condition de délai, pas même trentenaire.

Dans cette affaire, les propriétaires d’une maison d’habitation ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Enedis à leur verser une indemnité de 60 000 euros, et de lui enjoindre de procéder à la dépose de l’ouvrage et au déplacement de la ligne électrique située sur le terrain.

Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes. Par un arrêt du 2 juin 2022, la cour administrative d’appel de Versailles a enjoint à la société Enedis de procéder à la dépose du pylône et au déplacement ou à l’enfouissement de la ligne électrique dans un délai de six mois.

Selon le Conseil d’Etat, « lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l’implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l’administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux :

  • de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’ouvrage est irrégulièrement implanté,
  • puis, si tel est le cas, de rechercher, d’abord, si eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible,
  • puis, dans la négative, en tenant compte de l’écoulement du temps, de prendre en considération, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général. »

Le Conseil d’Etat poursuit : Aux termes de l’article 2227 du code civil :  » (…) les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer « . Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. « 

Le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond comme suit : Il résulte de ce qui a été dit qu’en tout état de cause, eu égard aux inconvénients limités pour les propriétaires de la maison inhérents à la présence du pylône et de la ligne électrique sur leur parcelle et aux conséquences de la suppression ou du déplacement de ces ouvrages pour l’intérêt général, cette suppression ou ce déplacement porterait une atteinte excessive à l’intérêt général. Par suite, ces propriétaires ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la société Enedis de procéder à la dépose du pylône implanté sur leur propriété et au déplacement ou à l’enfouissement de la ligne électrique qui la surplombe.

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