Toulon, son Tribunal administratif, ses dames Dol et Laurent

Le 12 Nov 2018

Par Patrick Gaulmin

La rentrée solennelle du Tribunal administratif de TOULON s’est déroulée le 9 novembre 2018.

Créé en 2008, le Tribunal, qui fêtait ainsi ses dix ans, compte aujourd’hui 21 magistrats, répartis en 4 chambres, et 20 agents du Greffe.

Cette rentrée solennelle fut l’occasion pour le Président Michel LASCAR de rappeler que le nombre de recours n’avaient cessé d’augmenter, pour atteindre environ 5000 recours par an désormais.

Le contentieux du Tribunal administratif de TOULON comporte des particularités: ainsi l’urbanisme représente plus de 16 % des recours, soit deux fois plus que dans les autres tribunaux. De même le contentieux de la fonction publique représente 21 % des recours, contre 12 % pour les autres Tribunaux, celui du logement 8% contre 2 % pour les autres tribunaux.

Mais cette rentrée fut aussi l’occasion d’évoquer le célèbre arrêt du Conseil d’Etat Dames Dol et Laurent  du 28 février 1919 puisque, faut-il le rappeler cette affaire a pour origine un recours devant le Conseil d’Etat intentée par deux « dames publiques » contre des arrêtés du Préfet maritime de TOULON pris pendant la 1ère Guerre mondiale. Voici les considérants principaux:

« Considérant que les limites des pouvoirs de police dont l’autorité publique dispose pour le maintien de l’ordre et de la sécurité, tant en vertu de la législation municipale, que de la loi du 9 août 1849, ne sauraient être les mêmes dans le temps de paix et pendant la période de guerre où les intérêts de la défense nationale donnent au principe de l’ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses ; qu’il appartient au juge, sous le contrôle duquel s’exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l’état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu’il importe de prévenir ;

Considérant qu’au cours de l’année 1916, les conditions dans lesquelles les agissements des filles publiques se sont multipliés à Toulon ont, à raison tant de la situation militaire de cette place forte que du passage incessant des troupes à destination ou en provenance de l’Orient, présenté un caractère tout particulier de gravité dont l’autorité publique avait le devoir de se préoccuper au point de vue tout à la fois du maintien de l’ordre, de l’hygiène et de la salubrité et aussi de la nécessité de prévenir le danger que présentaient pour la défense nationale la fréquentation d’un personnel suspect et les divulgations qui pouvaient en résulter ; qu’il est apparu que les mesures faisant l’objet du présent pourvoi s’imposaient pour sauvegarder d’une manière efficace tout à la fois la troupe et l’intérêt national ;

Considérant que si, dans ce but certaines restrictions ont dû être apportées à la liberté individuelle en ce qui concerne les filles et à la liberté du commerce en ce qui concerne les débitants qui les reçoivent, ces restrictions, dans les termes où elles sont formulées, n’excèdent pas la limite de celles que, dans les circonstances relatées, il appartenait au préfet maritime de prescrire ; qu’ainsi, en les édictant, le préfet maritime a fait un usage légitime des pouvoirs à lui conférés par la loi ».

Le professeur DONIER revenait sur la conciliation de la sécurité et de la liberté, dans le contexte des circonstances exceptionnelles de l’époque mais aussi dans le contexte actuel de l’état d’urgence et de la loi de 2017.

Puis M. DUCHON-DORIS, actuel président du Tribunal administratif de NICE nous faisait revivre cette affaire, en dressant une description particulièrement complète du TOULON de l’époque et des ses protagonistes: les milliers de civils et militaires de tous pays transitant par le port, les probables espions, l’Amiral ROUYER, les filles publiques…

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