Les cloches au Tribunal !

Le 12 Juin 2017

Par Patrick Gaulmin

Voici maintenant que des plaideurs reprochent aux communes de tolérer le son des cloches d’une église, située à côté de leur habitation.

Dans cette affaire, Mme D… et M. C…ont acquis en avril 2004 un bien immobilier situé à proximité de l’église de Boissettes (Seine-et-Marne)… laquelle, faut-il le préciser était construite depuis des siècles (le XVIIe pour être précis)

Ils ont demandé au maire de cette commune de mettre fin à l’usage civil des cloches de cette église.

Après avoir, dans un premier temps refusé de faire droit à cette demande, la commune a décidé de restreindre cet usage, par une délibération du 18 décembre 2009.

Mme D…et M. C… ont déféré ces décisions devant le tribunal administratif de Melun, qui les a annulées par un jugement du 1er juillet 2010, au motif que la commune n’établissait pas que l’usage en cause serait antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, et enjoint au maire d’abroger la réglementation autorisant cet usage, à l’exception des sonneries d’alarme ou prescrites par les lois et règlements.

Par un arrêt du 5 novembre 2013, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé contre ce jugement par la commune.

La commune s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, qui a été annulé par le Conseil d’Etat (CE, 14 oct. 2015, n° 374601).

Pour la Haute juridiction, « aux termes de l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905, dans sa rédaction applicable au litige porté devant les juges du fond :  » Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. / Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral. / Le décret en Conseil d’Etat prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu « 

Aux termes du premier alinéa de l’article 50 du décret du 16 mars 1906, pris pour l’application des dispositions précédentes : « L’arrêté pris dans chaque commune par le maire à l’effet de régler l’usage des cloches tant pour les sonneries civiles que pour les sonneries religieuses est communiqué au président ou directeur de l’association cultuelle  » ; qu’aux termes de l’article 51 de ce décret :  » Les cloches des édifices servant à l’exercice public du culte peuvent être employées aux sonneries civiles dans les cas de péril commun qui exigent un prompt secours. / Si elles sont placées dans un édifice appartenant à l’Etat, au département ou à la commune ou attribué à l’association cultuelle en vertu des articles 4, 8 et 9 de la loi du 9 décembre 1905, elles peuvent, en outre, être utilisées dans les circonstances où cet emploi est prescrit par les dispositions des lois ou règlements, ou autorisé par les usages locaux  » ;

Le Conseil d’Etat poursuit : « il résulte de ces dispositions, en tant qu’elles régissent l’usage civil des cloches et non leur usage religieux, qu’à l’exception des sonneries d’alarmes et des sonneries prescrites par les lois et règlements, les cloches des édifices servant à l’exercice public du culte ne peuvent être employées à des fins civiles qu’à condition que leurs sonneries soient autorisées par les usages locaux ; que l’usage local s’entend de la pratique régulière et suffisamment durable de telles sonneries civiles dans la commune, à la condition que cette pratique n’ait pas été interrompue dans des conditions telles qu’il y ait lieu de la regarder comme abandonnée

Dès lors, le Juge estime qu’en jugeant qu’un usage local des sonneries civiles de cloches, au sens des dispositions réglementaires précitées, ne pouvait procéder que d’une pratique qui existait lors de l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905 et n’avait pas été interrompue depuis lors, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la Cour.

Les cloches vont pouvoir continuer à sonner, les coqs à chanter et les rivières à couler dans leur lit!

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