Existence d’une faute résultant de la violation d’une règle d’urbanisme en dépit de l’obtention d’un certificat de conformité

Le 12 Nov 2013

Par Patrick Gaulmin

Un propriétaire, estimant que la maison édifiée sur le terrain voisin dépassait la hauteur autorisée par le plan d’occupation des sols et le permis de construire a fait désigner un expert judiciaire.

Après le dépôt du rapport, il a assigné son voisin en démolition du toit de sa maison et paiement de dommages-intérêts.
Ce dernier a appelé en intervention forcée le maître d’oeuvre et le mandataire liquidateur de cette société.

La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 7 mai 2012) a cru pouvoir débouter le demandeur de sa demande de dommages intérêts, retenant que le maître de l’ouvrage s’est vu accorder un certificat de conformité pour les travaux ayant fait l’objet du permis de construire, que ce certificat, dont la légalité n’est pas contestée, atteste de la conformité des travaux au permis de construire, que cette décision administrative, que le juge de l’ordre judiciaire ne saurait remettre en cause, prévaut sur les constatations effectuées par les experts judiciaires et apporte la preuve qu’aucune violation des règles d’urbanisme ne saurait être reprochée au maître de l’ouvrage et qu’en l’absence de faute imputable à ce dernier, il ne saurait voir engager sa responsabilité sur le fondement de l’ article 1382 du Code civil.

La Cour de cassation casse cet arrêt de la Cour d’appel par arrêt du 23 octobre 2013 (Cass. 3e civ., 23 oct. 2013, n° 12-24.919).

En effet, la faute du maître de l’ouvrage, résultant de la violation d’une règle d’urbanisme et recherchée sur le fondement de l’ article 1382 du Code civil, pouvait être établie par tous moyens.

Selon la Cour de Cassation, « si le permis de construire régit les rapports du constructeur envers l’administration, qui ne délivre les autorisations, en fonction des dispositions légales et réglementaires applicables, que sous réserve des droits des tiers, la violation de ses dispositions revêt le caractère d’une faute, non seulement à l’égard de l’administration, mais également envers les voisins ; que la délivrance d’un certificat de conformité ne fait pas disparaître la faute résultant du non-respect des prescriptions du permis de construire, dès lors que la responsabilité du propriétaire est recherchée sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; qu’en considérant que le certificat de conformité prévalait sur les constatations non contestées des experts judiciaires, selon lesquelles la construction de Monsieur Y… présentait des dépassements de hauteur de respectivement 0, 54 et 0, 44 m par rapport aux règles d’urbanisme prévoyant une hauteur maximum de 6 mètres, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ».

La Cour ajoute : « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ; qu’en statuant comme elle l’a fait, après avoir expressément constaté que la construction de Monsieur Y… présentait des dépassements de hauteur de respectivement 0, 54 et 0, 44 m, ce dont il résultait que le toit de la maison Y… interrompait la ligne d’horizon et que Monsieur X… subissait de ce fait un préjudice personnel et certain résidant dans une perte de vue de 10 %, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

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