Ordonnance réformant le contentieux de l’urbanisme

Le 21 Août 2013

Par Patrick Gaulmin

Le gouvernement avait annoncé une réforme du droit de l’urbanisme et de la construction par voie d’ordonnances (cf notre article du 27 juin 2013).

Parmi les premières ordonnances, voici l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, qui vient d’entrer en vigueur.

Cette ordonnance, qui s’inspire notamment du rapport Labetoulle poursuit plusieurs objectifs : accélérer les délais et le traitement des contentieux en matière d’urbanisme, prévenir les recours dits « abusifs » contre les autorisations d’urbanisme, en vue de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction de logements.

– Pour limiter les recours infondés contre les autorisations d’urbanisme, l’ordonnance « encadre dans le temps et dans l’espace l’intérêt à agir des personnes physiques ou morales ». Sont ajoutés dans le Code de l’urbanisme les articles suivants : « Article L. 600-1-2 : Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. » « Art. L. 600-1-3. : Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. »

– Pour dissuader les recours « malveillants », « l’ordonnance permet au juge de condamner l’auteur d’un recours à allouer des dommages et intérêts au bénéficiaire du permis de construire, si ce dernier a subi un préjudice excessif. A noter que les associations de protection de l’environnement bénéficient d’un régime de protection particulier ». « Art. L. 600-7.-Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. « Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du code de l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. »

– Pour fluidifier le traitement des contentieux, « l’ordonnance rend possible la régularisation du permis de construire en cours d’instance, le pétitionnaire pourra ainsi apporter les modifications nécessaires pour assurer la légalité de l’autorisation d’urbanisme, sans reprendre la procédure dans son ensemble. » « Art. L. 600-5.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. » « Art. L. 600-5-1.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » – Enfin, pour faire la transparence sur les transactions qui aboutissent à un désistement du requérant, « celles-ci devront désormais faire l’objet d’une déclaration auprès de l’administration des impôts, afin de dissuader les chantages pouvant être exercés par un requérant de mauvaise foi, tout en préservant la possibilité d’une transaction lorsque celle-ci est légitime. » « Art. L. 600-8.

– Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du code général des impôts. « La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature. « Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l’objet du permis mentionné au premier alinéa peuvent également exercer l’action en répétition prévue à l’alinéa précédent à raison du préjudice qu’ils ont subi. »

Nous aurons l’occasion de revenir sur ces dispositions lorsque les juridictions commenceront à les appliquer mais, d’ores et déjà, on ne peut qu’être dubitatif quant à leur pertinence.

En premier lieu, le postulat de départ (la majorité des requérants est de mauvaise foi et ne cherche qu’à s’enrichir sur le dos des pétitionnaires) est totalement erroné. Il en découle que le volume du contentieux n’en sera que très peu affecté.

En deuxième lieu ces dispositions n’apportent que peu d’innovations et ne font que souligner des évidences (exemple sur l’intérêt à agir…).

Enfin, elles ne font, une fois de plus, que surajouter des dispositions à une réglementation de plus en plus tatillonne. Qu’est devenu le choc de simplification ?

Poster un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée ou communiquée. Les champs obligatoires sont marqués d'une *