Les fonds détournés de l’aide juridictionnelle

Le 26 Nov 2012

Par Patrick Gaulmin

J’ai déjà évoqué l’ineptie de la création de la contribution à l’aide juridictionnelle (articles des 26 août et 2 octobre 2011), taxe de 35 € frappant tout justiciable désireux d’engager une procédure devant tous les tribunaux de France (par le biais de son avocat, transformé en collecteur de taxes pour le compte de l’Etat).

Or, voici que nous apprenons, par la voix du Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil national des barreaux, que ces fonds ne sont pas totalement affectés à l’aide juridictionnelle!

Je cite, in extenso, l’éditorial du Bâtonnier Charrière-Bournazel du 26 novembre 2012, « Les fonds détournés de l’aide juridictionnelle » :

« Les 35 € perçus par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire et pour toute instance introduite devant une juridiction administrative (art. 1635 bis Q du CGI) pour abonder l’aide juridictionnelle doivent être reversés par l’Etat sous forme d’une provision, en début d’année, ajustée ensuite en fonction de l’évolution du nombre des admissions et du montant de la dotation affectée par le Conseil national des barreaux au titre de la répartition du produit de cette taxe.

Or, les sommes reçues de l’Etat par le CNB ne sont pas des multiples de 35 €, mais comportent des décimales. Je m’en suis étonné, le 16 avril dernier, auprès du chef du service de l’accès au droit au ministère de la Justice, sans recevoir de réponse à ma correspondance. Le 24 mai dernier, j’ai écrit au directeur du cabinet de Madame la garde des Sceaux, afin qu’il veuille bien me faire connaître les modalités d’encaissement et reversement du produit de cette taxe. Je lui ai demandé de nous rassurer sur le fait qu’aucun prélèvement en amont n’est opéré sur cette dotation par quelque organisme que ce soit dépendant de l’Etat.

Je n’ai pas non plus reçu de réponse.

Nous avons fini par apprendre, lors d’une assemblée de l’UNCA, que 4 % de cette ressource affectée étaient reversés aux buralistes, s’agissant du timbre mobile, et que pour ce qui concerne le timbre électronique, payé par carte bancaire, 5 % étaient reversés aux banques.

Le code général des impôts est cependant très clair. Il dispose, en son article 1635 bis Q, à l’alinéa VI : « La contribution pour l’aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux ». La loi en a décidé ainsi et aucune disposition règlementaire ultérieure ne peut y déroger.

Que les contraintes économiques conduisent l’Etat à se montrer parcimonieux pour ce qui touche à l’accès à la justice des plus démunis est déjà choquant. Que nos propositions pour l’augmenter, sans peser sur le budget de l’Etat, telles que nous les avons formulées à maintes reprises, ne soient pas prises en compte n’est pas acceptable. Mais que sur ce qui est dû et affecté au CNB pour qu’il le rétrocède ensuite aux barreaux, l’Etat s’autorise à rémunérer des tiers au lieu d’en supporter lui-même la charge, est insupportable.

J’interpelle solennellement les pouvoirs publics pour que cessent immédiatement ces prélèvement illégaux et que l’intégralité des sommes perçues au titre du timbre de 35 € soit reversée à la profession. L’insuffisance du défraiement des avocats au titre de l’aide juridictionnelle ne les empêche pas d’effectuer leur mission avec désintéressement et compétence. Ils manifestent une grande patience dans l’attente d’une amélioration de l’aide juridictionnelle afin que soit rendu plus aisé l’accès à la justice.

Les avocats mettent leur point d’honneur à être généreux. Cela n’autorise personne à les prendre pour des imbéciles. »

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