Corruptissima republica plurimae leges

Le 1 Avr 2010

Par Patrick Gaulmin

Corruptissima republica plurimae leges : plus l’État est corrompu, plus les lois se multiplient…

Cette phrase, écrite par Tacite (Les Annales, III, 27), est le titre d’un récent article de madame Chantal Delsol , membre de l’Institut (JCP, G, n° 12, 22 Mars 2010, 337).

Comme le rappelle madame DELSOL, « à l’aurore seulement, une législation joue son vrai rôle : elle assure l’équité. Ensuite, très vite, très tôt, le temps corrupteur courant sur son ère, les lois se voient détournées de leur but. Naturellement, parfois elles servent encore à réprimer les crimes. Mais cela devient rare. Le plus souvent, elles se multiplient comme moyens de se débarrasser d’un adversaire, de se venger d’un groupe, d’empêcher un puissant de monter davantage. Elles ne s’écrivent plus pour tous, dit l’historien, mais contre quelques-uns.

Qu’on pense à nos lois de circonstance, ajoutées les unes aux autres aussitôt qu’un gêneur s’impose, ou plus souvent arrachées par quelque groupuscule qui crie plus fort que l’orage, en dépit de son étroitesse. »

C’est le constat que l’on peut faire à la lecture d’un décret d’application (décret n° 2010-304 du 22 mars 2010) de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 pour la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi « MOLLE », loi fourre-tout, modifiant quantités de textes d’espèces, et qui, en outre nécessite de multiples décrets d’application… dont certains ne verrons peut-être jamais le jour.

Ladite loi comportait déjà, à elle seule, 124 articles, représentant 55 pages du Journal Officiel.

Sil l’on y ajoute le nombre de pages des décrets d’application, cela fait combien ? Avis à mes lecteurs !

Comme le relève encore Madame DELSOL, à travers ces textes, « l’État, ou plutôt la société dans son ensemble, se corrompt par la progressive désobéissance aux lois. Celles-ci deviennent obsolètes par leur simple désaffectation. Aussi faut-il constamment en ajouter d’autres, qui subissent le même sort.

Les auteurs grecs ont pointé le doigt avec grande finesse sur cette misère.

Aussi l’on réclame et promulgue des lois toujours plus sophistiquées et nombreuses, aptes tout juste à calmer temporairement nos inquiétudes, et sûrement pas à répondre à la question. Comme le sauvage magicien, on soigne la flèche et non pas la blessure. Le mal est dans les moeurs, non dans les lois.

Quand une République est corrompue, il faut s’en prendre aux moeurs, et ce sont eux qu’il faut changer. Non sans peine. Comme il est simple de faire voter une loi ! On a le bonheur de croire qu’on décrète la vertu ! Quelle merveille que l’autorité gouvernante… De courte durée, néanmoins. Ce n’est pas ainsi qu’on réforme les moeurs. Il y faut la transmission et l’éducation. Mais surtout : des efforts continus et épuisants, pendant qu’on vote une loi dans son fauteuil, sans y penser et en signant son courrier».

Décidemment, tout ceci nous rappelle que notre confère TACITE était un visionnaire.

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