Les constructions illégales et le droit de l’urbanisme

Le 10 Oct 2008

Par Patrick Gaulmin

Par constructions illégales ou irrégulières on désigne les constructions réalisées sans permis de construire (postérieurement à 1943) et les constructions réalisées suite à l’obtention d’un permis de construire mais non conformes à celui-ci. Ces constructions encourent plusieurs types de sanctions.

Les sanctions pénales. L’édification d’une construction irrégulière est un délit pénal, susceptible de poursuites devant le Tribunal Correctionnel (articles L. 480-1 et suivants du Code de l’urbanisme). Les peines encourues sont : l’amende et la prison en cas de récidive d’une part (article L. 480-4) mais également la mise en conformité ou la démolition de la construction d’autre part (article L. 480-5). Ce délit est constaté par les officiers ou agents de police judiciaire mais également par les agents des collectivités territoriales assermentés. L’interruption des travaux peut être ordonnée sur réquisition du Ministère public ou du maire (article L.480-2). Comme tout délit, la prescription est de 3 ans (depuis 2017 c’est 6 ans!) . Dès lors, l’irrégularité des travaux doit donc être constatée dans un délai de 3 ans suivant l’achèvement des travaux. Passé ce délai, aucune poursuite pénale ne peut prospérer. Il faut noter que l’achèvement des travaux est un fait matériel qu’il appartient au pétitionnaire de prouver.

Les sanctions civiles. L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme confère également au Tribunal de Grande Instance (statuant en matière civile) la possibilité de prononcer la démolition d’une construction irrégulière, sous certaines conditions. Jusqu’en 2006, le permis de construire devait avoir été annulé ou déclaré illégal par le juge administratif et le tiers ayant saisi le juge devait démontrer l’existence d’un préjudice, en relation avec les règles d’urbanisme non respectées. L’action devait avoir été intentée dans un délai de cinq ans après l’achèvement des travaux. Depuis la réforme opérée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, dite loi ENL, le Tribunal ne peut prononcer la démolition que si le permis de construire a été annulé par le juge administratif. Le délai d’action est désormais de 2 ans à compter de la décision devenue définitive du juge administratif. Si le permis de construire n’est pas annulé mais simplement déclaré illégal par le juge administratif, le tiers lésé peut obtenir des dommages et intérêts mais non la démolition. Comme précédemment le tiers devra démontrer l’existence d’un préjudice.

Les sanctions administratives. Si la réalisation irrégulière d’une construction est effacée par le temps en ce qui concerne le contentieux pénal ou civil, en revanche, du point de vue de l’administration, une construction irrégulière le restait éternellement, jusqu’à l’intervention de la loi ENL du 13 juillet 2006. Le Conseil d’Etat avait en effet jugé que des travaux modificatifs ne pouvaient être accordés sur une construction irrégulière (jurisprudence constante depuis : CE 9 juillet 1986, THALAMY). Désormais, l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme (devenu l’article L. 421-9 depuis l’ordonnance du 23 septembre 2015) , prévoit que lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. C’est le principe… mais il est assorti de nombreuses exceptions. Ainsi, ce principe ne peut s’appliquer, toujours selon le même article : a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente b) Lorsqu’une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l’article L. 480-13, c) Lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l’environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code, d) Lorsque la construction est sur le domaine public, e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire, f) Dans les zones visées au 1° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement (zones exposées à des risques dites « zones de danger »). Telles sont les grandes lignes d’une matière donnant lieu à un très abondant contentieux, notamment dans les départements où la pression foncière est très forte.

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