Annulation d’un permis de construire portant atteinte à l’intérêt des lieux avoisinants

Le 19 Mar 2021

Par Patrick Gaulmin

Dans cette affaire, le maire a délivré un permis de construire autorisant, d’une part, la démolition totale des constructions existantes situées sur les parcelles et  d’autre part, à la construction d’un bâtiment élevé sur deux étages abritant 48 logements collectifs, pour une surface de plancher créée de 2 522 m² et 72 places de stationnement.

Nos clients, propriétaires de la parcelle bâtie jouxtant le terrain d’assiette, souhaitaient contester le permis de construire, qui leur paraissant disproportionné.

Nous avons donc formé un recours gracieux puis demander l’annulation du permis de construire en saisissant le Tribunal administratif de TOULON.

Nous invoquions notamment l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme : «Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».

Ainsi, lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales, l’autorisation d’urbanisme ne peut être refusée que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande, d’accorder l’autorisation en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect.

Le Tribunal va faire droit à notre requête, en adoptant le raisonnement suivant (jugement du 16 février 2021, n° 200073).

En l’espèce, le terrain d’assiette du projet est situé au sein de la zone UA du plan local d’urbanisme, laquelle correspond, selon le préambule du règlement, au centre ancien de La Môle dont il convient de renforcer la centralité notamment à travers l’ordonnancement des constructions.

Premièrement, le règlement en vigueur de la zone UA ne prévoit pas la densification de cette zone.

Deuxièmement, le centre ancien de La Môle se distingue par une structure urbaine et paysagère très spécifique, caractérisée par un village-rue qui se développe de part et d’autre de la route départementale n° 98 et le compartiment dans lequel se situe le terrain d’assiette, au Nord du chemin de Maravieille, dispose d’un habitat peu dense, avec des alignements d’arbres, des clôtures basses et des jardins, un front bâti en retrait, un gabarit modeste, un parcellaire rythmé et quelques bâtiments ou espaces publics qui jalonnent la composition par un retrait et un gabarit distincts, traduisant un véritable enjeu visuel en entrée de village.

Troisièmement, le projet développe 2 522 m² de surface de plancher répartie au sein d’un ensemble immobilier élevé sur deux étages et comportant trois ailes dont une alignée sur environ quarante mètres linéaires sur la Grande Rue ainsi que 1 761,50 m² d’emprise au sol dont 37 % sont situés dans la bande de 15 mètres à compter de l’alignement. L’aspect massif et inédit, dans ce secteur, de la construction détonne par rapport au bâti environnant. Sur ce point, la prescription architecturale figurant à l’article 2 de l’arrêté du 6 novembre 2019 et visant à mieux intégrer la façade Sud-Ouest par quatre décrochés de toiture revêtus chacun d’une couleur de façade différente, ne corrige pas suffisamment le fort impact visuel généré par l’implantation, le gabarit et la composition du projet.

Quatrièmement, l’architecte des bâtiments de France a délivré le 9 octobre 2019 un avis défavorable en considérant que le projet « crée un impact trop important de nature à porter atteinte au site inscrit de l’ensemble formé par commune de La Môle, en raison notamment de l’implantation du bâtiment sur rue sans cohérence avec le recul de la plupart des constructions existantes de chaque côté de cet axe routier.

Le bâtiment projeté (9 mètres de hauteur à l’égout sur 20 mètres linéaires) crée un volume imposant et un effet d’étranglement inadaptés à la séquence visuelle perçue lors de la traversée du village. Il nécessite également la coupe de plusieurs arbres de haute tige participant à la qualité du paysage urbain ».

Par suite et quand bien même le projet respecterait les règles d’implantation et de construction fixées par le règlement du plan local d’urbanisme, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation à l’aune de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.

En conséquence, le Tribunal administratif annule l’arrêté de permis de construire du 6 novembre 2019.

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