Droit de préemption des communes, entre juge administratif et juge judiciaire

Le 21 Jan 2013

Par Patrick Gaulmin

Quelques décisions récentes illustrent la complexité du droit de préemption des communes et, plus largement, des collectivités locales. En vertu de l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme, la mise en œuvre du droit de préemption urbain par une collectivité territoriale doit obligatoirement répondre à un intérêt général suffisant.

Par ailleurs, cette opération doit répondre aux finalités mentionnées à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme relatif à l’aménagement foncier : la mise en place d’un projet urbain, d’une politique locale de l’habitat, le développement économique, des loisirs, du tourisme, etc.

La question s’est posé de savoir de quelle manière le juge administratif devait apprécier le montant que la collectivité se propose de verser au propriétaire afin de déterminer si les finalités sus-évoquées ont bien justifié l’opération. Dans un arrêt du 7 janvier 2013, la Haute Juridiction juge que le caractère insuffisant ou excessif du prix au regard du marché est, par lui-même, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption (CE, 7 janv. 2013, n° 357230, Cne Montreuil).

Si bien que commet une erreur de droit, le tribunal administratif qui suspend une décision de préemption au seul motif que le prix proposé par la collectivité est très inférieur au prix d’une promesse de vente faite au propriétaire. Une telle erreur d’appréciation ne saurait, à elle seule, faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la mesure, de nature à en justifier la suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Dans un arrêt du même jour (n° 358781), le Conseil d’État juge que le refus d’un département de procéder à la rétrocession d’un bien préempté au motif du non respect, par le département, des obligations de paiement ou de consignation nées de la vente, ne constitue pas une mesure de disposition d’un bien du domaine privé susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette question intéresse donc le juge judiciaire.

De même, lorsque la commune demande que soit prononcée la nullité de la vente passé en fraude de son droit de préemption, c’est également le juge judiciaire qui doit être saisi, conformément aux dispositions des articles L. 213-2 et R. 213-26 du Code de l’urbanisme. Ainsi, dans une affaire où nous avions sollicité la nullité d’une vente passée en fraude des droits de préemption de la commune, nous avions du saisir le Tribunal de Grande Instance(pour la genêse de cette affaire, voir notre article du 27 janvier 2009 « Refus de transfert de permis de construire et droit de préemption »).

Mais, le Tribunal de Grande Instance, estimant qu’il pouvait y avoir un doute sur la légalité de la décision de préemption (bien qu’elle n’ait pas fait l’objet de recours!), avait renvoyé au Tribunal administratif de TOULON le soin d’apprécier si la décision de préemption était légale.

En l’espèce le Tribunal administratif de TOULON a estimé que la décision était légale (TA TOULON, 11 janvier 2013, req. n° 1100741), celle-ci répondant à l’un des objectifs mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.

La procédure aux fins de nullité peut donc se poursuivre devant le Tribunal de Grande Instance de TOULON (voir la suite de la procédure devant le CE: article du 13 janvier 2015)

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