Réformes des juridictions administratives (suite) : à propos de l’expertise

Le 19 Mar 2010

Par Patrick Gaulmin

Suite de notre article consacré aux modifications apportées par le décret du 22 février 2010 : voici un aperçu des dispositions intéressant l’expertise.

En vertu du nouvel article R. 621-1 du CJA, la juridiction peut ordonner, avant dire droit, qu’il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision et la mission confiée à l’expert peut viser à concilier les parties. Dans la pratique, l’expérience montre qu’une conciliation intervient rarement…

Par le serment, l’expert s’engage à accomplir sa mission avec conscience, objectivité, impartialité et diligence, comme le prévoit désormais l’article R. 621-3. Autre apport notable, désormais, le président de la juridiction peut décider d’organiser des réunions avec les parties et l’expert, afin de veiller à la bonne exécution des mesures d’investigation. Au cours de ces séances peuvent être examinées : les délais d’exécution, la communication de pièces, l’étendue de l’expertise pour les procédures de référé…mais pas le fond du dossier. Le président du tribunal ou de la cour peut désigner un magistrat chargé des questions d’expertise et du suivi des opérations (désignation des experts, organisation des séances de suivi, taxation des honoraires, etc.), qui peut assister aux opérations d’expertise (CJA, art. R. 621-1-1).

En cas de carence des parties, le président de la juridiction peut, après avoir provoqué les observations écrites de la partie récalcitrante, ordonner la production des documents, s’il y a lieu sous astreinte, autoriser l’expert à passer outre, ou à déposer son rapport en l’état (CJA, art. R. 621-7-1). L’article R. 621-4 prévoit désormais que « L’expert qui, après avoir accepté sa mission, ne la remplit pas ou celui qui ne dépose pas son rapport dans le délai fixé par la décision peut, après avoir été invité par le président de la juridiction à présenter ses observations, être remplacé par une décision de ce dernier. Il peut, en outre, être condamné par la juridiction, sur demande d’une partie, et au terme d’une procédure contradictoire, à tous les frais frustratoires et à des dommages-intérêts. » La procédure de récusation de l’expert est précisée (CJA, art. R. 621-6-1 et suivants). C’est désormais à l’expert, et non plus à la juridiction, qu’incombe la charge de notifier son rapport aux parties. Si celles-ci y consentent, la transmission du document peut utiliser la voie électronique. Les parties disposent d’un délai d’un mois, susceptible d’être prorogé, pour déposer leurs observations (CJA, art. R. 621-9 ). L’expert peut être convoqué, en présence des parties, pour fournir toutes explications complémentaires utiles à la formation de jugement. Ces explications, ajoute le texte, portent, le cas échéant, sur les observations recueillies après communication du rapport (CJA, art. R. 621-10 ). Le décret autorise une simplification de la procédure quand la question à résoudre ne présente aucune difficulté particulière. L’initiative en revient, en principe, à la formation de jugement, ou à la formation chargée de l’instruction La formation de jugement a compétence pour entendre toute personne dont les explications lui paraissent utiles à la solution du litige : les parties sont dûment convoquées à la séance au cours de laquelle la personne concernée présentera des observations orales (art. R. 625-3 ). C’est donc l’institution dans le Code de « l’amicus curiae ».

De même, la formation de jugement peut désigner un « consultant » : lorsqu’une question technique ne requiert pas d’investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu’elle commet de lui fournir un avis sur les points qu’elle détermine. Le consultant, à qui le dossier de l’instance n’est pas remis, n’a pas à opérer en respectant un e procédure contradictoire à l’égard des parties. En revanche, son avis est consigné par écrit et communiqué aux parties Le juge des référés peut étendre l’expertise à des personnes autres que celles initialement désignées ou, au contraire, mettre une partie hors de cause à une condition, celle d’être saisi d’une demande en ce sens – de l’expert ou des parties – dans les deux mois suivant la première réunion d’expertise. Le juge des référés peut aussi, dans le même délai, étendre la mission de l’expert à l’examen de questions techniques indispensables à la bonne exécution des opérations. Il dispose parallèlement de la possibilité inverse de réduire l’étendue de la mission pour la dispenser de recherches apparaissant comme inutiles. Il peut être débattu de l’ensemble de ces questions lors des séances que le juge des référés a également le pouvoir d’organiser (art. R. 532-3 et. R. 532-4).

Le décret modifie enfin le système existant de taxation et de contestation des honoraires des experts. Ainsi, les modalités de fixation des honoraires de l’expert sont précisées : conformément aux dispositions de l’article R. 761-4, les honoraires sont fixés en tenant compte des difficultés des opérations, de l’importance, de l’utilité et de la nature du travail fourni par l’expert ou le sapiteur et, c’est la nouveauté, des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai de dépôt du rapport d’expertise.

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