Constitutionnalité de la mise en conformité des cahiers des charges du lotissement
Le 1 Juil 2025
À l’occasion d’un litige porté devant le Conseil d’État, une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée par des membres d’un lotissement (colotis), à propos des dispositions de l’article L. 442-11 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi ALUR de 2014.
Ces dispositions permettent, après enquête publique et décision du conseil municipal, la mise en conformité des documents régissant un lotissement, notamment son cahier des charges, avec les documents d’urbanisme en vigueur, tels que le plan local d’urbanisme, même lorsque ce cahier des charges n’a pas été approuvé.
Les requérants soutenaient que les mots « le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé », en ce qu’ils permettent une modification unilatérale d’un contrat de droit privé conclu entre colotis, méconnaissaient les exigences constitutionnelles résultant de l’article 2 et de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relatifs au droit de propriété, ainsi que de l’article 4 de la même Déclaration (et de l’article 1102 du code civil) relatifs à la liberté contractuelle.
Toutefois, le Conseil constitutionnel rappelle que si la propriété est un droit inviolable et sacré (article 17), sa protection n’est pas absolue. Il en va de même de la liberté contractuelle, qui peut faire l’objet de limitations justifiées par des motifs d’intérêt général, pourvu qu’elles ne soient pas disproportionnées.
En l’espèce, les dispositions contestées visent à permettre l’adaptation des règles régissant les lotissements anciens à l’évolution des normes d’urbanisme applicables, dans un souci de cohérence des règles d’aménagement du territoire. Elles poursuivent donc un objectif d’intérêt général.
En outre, la procédure de modification du cahier des charges prévue à l’article L. 442-11 du code de l’urbanisme comporte plusieurs garanties : la tenue d’une enquête publique assure la participation des colotis, et la décision relève du conseil municipal de la commune, autorité élue. Par ailleurs, cette procédure n’autorise pas la modification des conventions privées dans un but autre que celui de mise en conformité avec le document d’urbanisme.
Les colotis ne sont pas privés de leur propriété ni de la substance de leur liberté contractuelle. La modification du cahier des charges ne les empêche pas d’user de leur bien conformément à sa destination, ni d’établir entre eux d’autres conventions.
Enfin, le juge administratif conserve la compétence pour contrôler que la procédure de modification du cahier des charges respecte strictement les finalités définies par la loi et n’excède pas ce cadre.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, et notamment les mots «le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé», ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété ni à la liberté contractuelle des colotis, et sont donc conformes à la Constitution.
Sources :Conseil Constitutionnel, 13 JUIN 2025 QPC n°2025-1142