Obligation de poursuite des infractions en matière d’environnement

Le 20 Juin 2018

Par Patrick Gaulmin

Nous avons déjà évoqué cette affaire dans  un article intitulé « Obligation du maire d’assurer l’élimination des déchets dangereux pour l’environnement » (article du 5 décembre 2017). Suite à l’arrêt du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel d’appel de MARSEILLE vient de statuer (CAA MARSEILLE, 13 mars 2018, 17MA04122).

La  Cour rappelle en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que sont présents sur le terrain de M. et Mme R, des déchets provenant notamment des restes d’une passerelle située sur la commune de Six-Fours-Les-Plages, dont la démolition a été confiée en 2004 par cette commune à l’entreprise Masséna ; qu’il ressort du procès-verbal dressé le 16 mars 2009 qu’a pu être relevée l’identité des chauffeurs des poids lourds venus déverser des déchets provenant de chantiers sur la parcelle des requérants; que les producteurs des déchets déversés sur le terrain de M. et Mme R étaient donc connus.

En second lieu, qu’il résulte de l’instruction que l’association A. a signalé aux services de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat, dès 2005, l’existence de dépôts massifs de déchets de chantier tant sur le terrain des requérants que sur des parcelles voisines et a demandé une intervention de ces autorités pour que ce site, classé au titre de la loi du 2 mai 1930 en vertu d’un décret du 20 juin 1989, situé en espace boisé classé au plan d’occupation des sols de la commune et dans une zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique (ZNIEFF) de type II, soit remis en état ; que M. et Mme R ont eux même porté plainte en dénonçant ces faits à de multiples reprises en 1990, 1996, 1998, 1999 et 2000 ; que, par une lettre du 23 novembre 2005, ils ont appelé l’attention des services de l’Etat sur la persistance de cette situation depuis plusieurs années ; qu’ils ont fait de même dans une lettre du 8 décembre 2009 adressée au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages ; que, d’une part, en se bornant à dresser procès-verbal à l’encontre des auteurs connus des déversements, sans faire usage à l’encontre de ceux-ci des pouvoirs de police qu’il détient des dispositions des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l’environnement, le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages a commis une abstention fautive de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, d’autre part, le préfet du Var, face à la carence du maire dans l’exercice de son pouvoir de police des déchets, dont il avait été informé, a, en s’abstenant d’intervenir sur le fondement de cette même police, commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’Etat eu égard à l’ancienneté, au caractère répété, à l’ampleur de la pollution et à la sensibilité particulière du site ;

La cour écarte l’éventuelle faute de la victime, soulevée en défense.

« Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme R n’avaient pas procédé à la clôture de leur parcelle, d’une superficie de trois hectares dans un secteur accidenté, pour prévenir l’intrusion de camions venus y déverser des déchets, il ressort des procès-verbaux de leurs plaintes, et il n’est pas contesté par les défendeurs, qu’ils avaient installé un panneau mentionnant « propriété privée » ainsi qu’une chaîne, qui a été arrachée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du procès-verbal d’infraction du 16 mars 2009, que les requérants ont utilisé des déchets de chantier présents sur leur terrain comme remblais d’une voie qu’ils ont fait réaliser à l’intérieur de leur propriété ; que, toutefois, il résulte également de l’instruction que ces dépôts de chantier se sont poursuivis pendant des années et qu’il n’est pas établi que M. et Mme R auraient donné leur accord pour ces déversements ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 5, il résulte de la lettre de l’association APLBS que d’autres parcelles du secteur ont été concernées par ces déversements ;

Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que les requérants ont poursuivi un projet immobilier sur la parcelle en cause, projet qui a fait l’objet d’un refus d’autorisation par le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages en raison du caractère protégé du site, n’est pas de nature à établir qu’ils auraient été à l’origine des déversements de déchets de chantiers sur leur terrain ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, les défendeurs n’établissent pas l’existence d’une faute de la victime de nature à les exonérer, même partiellement, de leur responsabilité ».

La Cour statue enfin sur les conclusions aux fins d’injonction :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

Considérant que le présent arrêt, qui reconnaît la carence fautive de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat dans l’exercice de leurs pouvoirs de police en matière de déchets implique nécessairement que le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages fasse usage des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement et que le préfet du Var, dans l’hypothèse d’une carence de l’autorité municipale dans l’exercice de ce pouvoir de police, prenne sur le fondement de celle-ci, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets ; qu’il y a donc lieu d’enjoindre, d’une part, au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages de faire usage des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets présents sur la parcelle, cadastrée section BD n° 292, appartenant à M. et Mme Rebhun, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, d’autre part, au préfet du Var, dans l’hypothèse où il constaterait une carence de l’autorité municipale dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, de prendre sur le fondement de celle-ci, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. »

 

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