Conditions de délivrance d’un permis régularisant une construction dont la démolition a été ordonnée par le juge pénal

Le 29 Mar 2019

Par Patrick Gaulmin

Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité, ou la remise en état, a été ordonnée par le juge pénal sur le fondement de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, l’autorité compétente n’est pas tenue de la rejeter.

Il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d’urbanisme applicables.

Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 13 mars 2019 (CE 5° et 6° ch.-r., 13 mars 2019, n° 408123).

Dans cette affaire, le requérant a demandé au tribunal administratif de Lille, d’une part, de condamner l’Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa carence à faire exécuter le jugement du tribunal correctionnel ordonnant la destruction de l’extension d’une construction édifiée sans permis de construire par son voisin, d’autre part, d’enjoindre au maire d’assurer l’exécution de ce jugement.

En effet, en vertu des articles L. 480-5, L. 480-7 et L. 480-9 du code de l’urbanisme, au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l’article L. 480-5, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 480-9, de faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics justifient un refus….

Les juges de première et d’appel avaient rejeté la demande du requérant.

Le Conseil d’Etat statue ainsi : « Pour rejeter la demande d’indemnisation d’un préjudice lié à la perte de valeur vénale du bien de l’intéressé, la cour a relevé, au terme d’une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que les estimations immobilières produites ne permettaient d’établir ni la réalité de la dépréciation alléguée, ni l’existence d’un lien de causalité avec les travaux irréguliers.

En outre, pour rejeter la demande d’indemnisation au titre de divers troubles de jouissance, notamment liés à une perte de vue et d’ensoleillement et à la chute de claustras, la cour a jugé qu’il résultait de l’instruction, notamment des documents photographiques produits, que certains de ces troubles ne présentaient aucun caractère de gravité et que d’autres étaient occasionnels et sans lien avec les travaux irréguliers.

Contrairement à ce que soutient le requérant, en se prononçant ainsi, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.

Pour rejeter la demande d’indemnisation du préjudice résultant d’infiltrations d’eaux dans la cuisine du requérant, dues à des malfaçons et aggravées par un défaut d’entretien, la cour a relevé qu’elles ne trouvaient pas de manière suffisamment directe et certaine leur cause dans la décision de l’administration et qu’elles ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant.

En se prononçant ainsi, au vu, notamment, des rapports d’expertise établis à la demande de l’assureur du requérant et des résultats d’une expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Lille, la cour n’a ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni commis d’erreur de qualification juridique. » 

Il résulte donc également de cet arrêt que, dans le cas où, sans motif légal, l’administration refuse de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie.

En cas de refus légal, et donc en l’absence de toute faute de l’administration, la responsabilité sans faute de l’Etat peut être recherchée, sur le fondement de la rupture du principe d’égalité devant les charges publiques par un tiers qui se prévaut d’un préjudice revêtant un caractère grave et spécial.

Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal sur le fondement de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente n’est pas tenue de la rejeter et il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d’urbanisme applicables.

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