La loi ALUR devant le Conseil Constitutionnel

Le 20 Août 2018

Par Patrick Gaulmin

Dans une décision du 18 juillet 2018 (n° QPC N° 421151 ), le Conseil d’Etat saisit le Conseil Constitutionnel de la constitutionnalité des dispositions de la loi ALUR relatives à la modification des cahiers des charges du lotissement (article L. 442-10 du Code de l’urbanisme).

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise au contentieux du Conseil d’Etat,  les requérants soutiennent que l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme, applicable au litige, méconnaît la liberté contractuelle, garantie par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de cette Déclaration, et est entaché d’incompétence négative au regard de cette liberté et de ce droit.

Le Conseil d’Etat rend la décision suivante : 

« Il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Aux termes de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : “ Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable. / Le premier alinéa ne concerne pas l’affectation des parties communes des lotissements. / Jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu’en l’absence d’opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible “.

 Ces dispositions sont applicables au litige dont le tribunal administratif de Nice est saisi. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, eu égard notamment à la circonstance qu’elles s’appliquent à des cahiers des charges dont les clauses sont susceptibles d’être regardées comme engageant les colotis entre eux, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. »

Par conséquent, la question de la conformité à la Constitution de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Étonnamment, cette disposition de la loi ALUR n’avait pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalisé, avant sa promulgation. Or, il est manifeste que cette disposition est inconstitutionnelle.

Comments

  1. marie

    20 août 2018 (10 h 31 min)

    Merci Maître de votre attention à cette question…

    Voilà remis en cause l’arrêt Conseil d’État N° 361934 du 7 octobre 2013 rendu avant avant la loi ALUR mais appliquant le même principe à mon sens absurde:
    « 3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 novembre 2007 pris en application de l’article L. 442-11 du code de l’urbanisme, le maire de la commune de Saint-Jean-de-Monts a modifié les cahiers des charges du lotissement de la Plage pour les mettre en concordance avec le plan d’occupation des sols ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en annulant cet arrêté, par l’arrêt attaqué du 15 juin 2012, au motif que la caducité des règles d’urbanisme contenues dans les documents approuvés du lotissement aurait eu pour effet de priver le maire de son pouvoir de modifier les stipulations contractuelles des cahiers des charges de ce lotissement, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit ; »

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