Importantes limitations au droit de contester un acte réglementaire

Le 1 Juin 2018

Par Patrick Gaulmin

Par deux décisions d’Assemblée du 18 mai 2018, le Conseil d’État précise les modalités selon lesquelles un acte réglementaire peut être contesté, dans le délai de recours contentieux de deux mois et après l’expiration de ce délai.

Un syndicat de fonctionnaires a demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-436 du 29 mars 2017 relatif aux conditions de recrutement d’agents contractuels (affaire n° 411045). Un autre syndicat de fonctionnaires a demandé au Premier ministre d’abroger ce décret et cette demande a été rejetée et la fédération a contesté ce refus devant le Conseil d’État (affaire n° 414583)

Par deux décisions du 18 mai 2018, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État rejette ces recours, en précisant selon quelles modalités les actes réglementaires, tels que le décret en cause, peuvent être contestés devant le juge administratif.

Pour le Conseil d’Etat : « Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l’existence d’un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu’il énonce, lesquelles ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application tant qu’il n’a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.

Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu’il est saisi, par la voie de l’action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l’acte réglementaire, la légalité des règles qu’il fixe, comme la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l’ordre juridique.

Après l’expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l’application de l’acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire, comme l’exprime l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration.

Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.

Il résulte de ce qui précède que la fédération requérante ne peut utilement invoquer, à l’appui de ses conclusions les moyens tirés respectivement de l’irrégularité de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat et de ce que ce décret différerait à la fois du projet qui avait été soumis par le Gouvernement au Conseil d’Etat et de celui adopté par ce dernier.

En conclusion, désormais les requérants peuvent toujours critiquer la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, qui ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application, ainsi que la compétence de l’auteur de l’acte et l’existence d’un détournement de pouvoir. Ils ne peuvent en revanche remettre en cause à ce stade les conditions de forme et de procédure dans lesquelles cet acte a été édicté.

Voilà comment, d’un trait de plume, les magistrats du Conseil d’Etat viennent d’apporter une limitation très importante au droit au recours effectif.

Ou comment gommer une irrégularité commise par l’administration!

Poster un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée ou communiquée. Les champs obligatoires sont marqués d'une *