Indemnisation du manque à gagner à la suite d’un refus illégal d’un permis d’aménager

Le 21 Août 2017

Par Patrick Gaulmin

Le Conseil d’Etat précise dans cet arrêt les conditions d’indemnisation du manque à gagner à la suite d’un refus illégal d’un permis d’aménager (CE 12 juillet 2017, SARL NEGOCIMMO, req. n° 394941. Pour un permis de construire : voir : 15 avril 2016, req ;371274).

Dans cette affaire, la SARL Negocimmo a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d’une part, d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 14 mars 2012 par lequel le maire du Pian-Médoc s’est opposé à la déclaration préalable déposée le 16 février 2012 en vue de diviser un terrain en quatre parcelles à bâtir, sans création de voie ou d’espace commun, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux et, d’autre part, de condamner la commune du Pian-Médoc à lui verser la sommes de 236 093 euros en réparation des préjudices causés par l’arrêté en litige.

Le Tribunal administratif a annulé l’arrêté du 14 mars 2012 et condamné la commune à verser à la SARL Negocimmo une indemnité de 3 000 euros.

Par un arrêt du 1er octobre 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par la SARL Negocimmo et l’appel incident de la commune du Pian-Médoc contre ce jugement.

La SARL Negocimmo a frappé l’arrêt d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat juge ce qui suit :

 « 2. Considérant que la décision par laquelle l’autorité administrative s’oppose illégalement à une opération de lotissement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, dans le cas où l’autorité administrative pouvait, sans méconnaître l’autorité absolue de la chose jugée s’attachant au jugement d’annulation de cette décision, légalement rejeter la demande d’autorisation, au motif notamment que le lotissement projeté était situé dans un secteur inconstructible en vertu des règles d’urbanisme applicables, l’illégalité commise ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de l’impossibilité de mettre en oeuvre le projet immobilier projeté ; que, dans les autres cas, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé à la demande de lotissement revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu’il en va, toutefois, autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain ; que ce dernier est alors fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu’il pouvait raisonnablement attendre de cette opération ;

3. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la société a demandé à être indemnisée de la perte de bénéfices résultant de l’illégalité de la décision d’opposition à déclaration préalable, qui aurait selon elle fait obstacle à la commercialisation projetée des lots ; que, pour juger que le caractère direct et certain de ce préjudice n’était pas établi, en dépit des négociations engagées avec des acquéreurs potentiels, la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que des promesses d’achat n’avaient été conclues que pour deux des quatre lots concernés, que ces promesses étaient assorties de conditions suspensives concernant notamment l’obtention d’un permis de construire et que cette obtention ne pouvait être regardée comme assurée eu égard au respect des exigences tenant notamment aux caractéristiques de l’assainissement, des besoins de protection au regard des risques d’incendie, et de l’implantation des bâtiments sur certains lots par rapport à l’espace boisé classé devant être examinés non à l’occasion de la déclaration préalable de division mais de l’instruction des demandes de permis de construire;

  1. Considérant que la Cour a à bon droit examiné, conformément aux principes rappelés au point 2, si le préjudice relatif à la privation de bénéfices présentait, en l’espèce, compte tenu des engagements souscrits par les acheteurs pour chacun des lots concernés et de leur teneur ainsi que des incertitudes pesant au stade de la déclaration préalable sur leur constructibilité effective, un caractère direct et certain ; qu’il en résulte que les moyens tirés de ce qu’en s’abstenant de rechercher si la vente des lots et l’obtention des permis de construire étaient probables, compte tenu des règles d’urbanisme en vigueur, et si la société avait, en conséquence, été privée de l’obtention des bénéfices attendus, aurait commis des erreurs de droit et insuffisamment motivé son arrêt doivent être écartés. 
  2. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Negocimmo n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »

En résumé, la décision par laquelle l’autorité administrative s’oppose illégalement à une opération de lotissement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.

Mais deux hypothèses doivent être distinguées :

  1. a) Dans le cas où l’autorité administrative pouvait, sans méconnaître l’autorité absolue de la chose jugée s’attachant au jugement d’annulation de cette décision, légalement rejeter la demande d’autorisation, au motif notamment que le lotissement projeté était situé dans un secteur inconstructible en vertu des règles d’urbanisme applicables, l’illégalité commise ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de l’impossibilité de mettre en oeuvre le projet immobilier projeté,
  2. b) Dans les autres cas, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé à la demande de lotissement revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va, toutefois, autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain. Ce dernier est alors fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu’il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

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