Le statut de résident Corse devant le juge administratif : premiers éclaircissements !

Le 2 Fév 2016

Par Patrick Gaulmin

C’est une question largement débattue que celle de l’instauration d’un statut de résident Corse (ou en Corse ce qui est différent…).

L’on rappellera que, par une délibération en date du 24 avril 2014, l’Assemblée de Corse s’était prononcée pour « la définition d’un cadre normatif nouveau de nature à préserver les intérêts de la Corse et, en matière d’accès à la propriété foncière, les intérêts de ses habitants ayant le statut de résident ».

En particulier, l’Assemblée de Corse avait prévu que « l’accès à la propriété foncière et immobilière ne devrait pouvoir être exercé, de manière automatique, que par les personnes physiques et morales considérées comme ayant le statut de résident, à savoir : – les personnes physiques pouvant justifier de l’occupation effective et continue d’une résidence principale située en Corse, durant une période minimale de cinq années, – les personnes morales ayant leur siège social en Corse et contrôlées, directement ou indirectement, par les personnes mentionnées à l’alinéa précédent ».

La délibération est accessible en son entier ici.

Sur le fondement de cette délibération, les Conseils municipaux respectifs de Granace, Lopigna, Orto et Ambiegna ont décidé d’instaurer sur leur territoire un statut de résident et donc de limiter l’accès à la propriété privée.

Le préfet de Corse-du-Sud a déféré ces délibérations au Tribunal administratif de Bastia.

Son jugement devrait être connu le 25 février prochain, mais lors de l’audience du 28 janvier dernier le Rapporteur public a livré une première analyse juridique de ce dossier.

Ses conclusions sont accessibles ici.

Ainsi que le lecteur s’en rendra compte, ces conclusions sont particulièrement détaillées et révèlent les hésitations du magistrat sur la prétendue illégalité des délibérations en litige.

D’abord, le Rapporteur public a écarté le moyen tiré d’une prétendue discrimination, celui d’une atteinte au droit de propriété et celui d’une violation du droit à une libre installation en Europe.

Ensuite, pour contester la légalité de ces délibérations, le préfet développait une argumentation autour de la méconnaissance du principe d’égalité.

Sur ce point, le Rapporteur public semble considérer que le principe serait méconnu, même s’il admet que « des personnes primo arrivantes sur un territoire donné ne sont pas placées dans la même situation que des personnes résidantes sur ce même territoire, quelque soit, par ailleurs, la durée de cette résidence ».

Toutefois, le Rapporteur public a conclu à l’annulation des délibérations pour deux motifs.

D’une part, le Rapporteur public estime que les délibérations en litige seraient illégales en ce que les Conseils municipaux de Granace, Lopigna, Orto et Ambiegna sont intervenus dans une matière réservée au législateur (CE, 09/02/2000, Minefi c/ M. Perrin, n° 192271) en vertu de l’article 34 de la Constitution.

D’autre part, le Rapporteur public retient que ces délibérations pourraient être contraires aux principes européens de libre circulation des capitaux et de libre prestation de service.

Par conséquent, même si le Tribunal administratif de Bastia suivait les conclusions de son Rapporteur public (ce qu’il n’est pas dans l’obligation de faire…), il pourrait, à l’avenir, y avoir une place pour un statut de résident à la condition qu’il soit prévu par la loi et que celui-ci n’exclut pas les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne.

Le débat serait donc moins juridique que politique.

Affaire à suivre !

 En attendant, pour ceux qui sont intéressés par la question, ils trouveront ici une intéressante lecture.

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