Fin de la jurisprudence Entreprise PEYROT

Le 3 Juin 2015

Par Patrick Gaulmin

Petite révolution dans le droit des contrats administratifs.

Une société concessionnaire d’autoroute n’est plus regardée comme agissant pour le compte de l’État, même quand elle construit, exploite ou entretient l’autoroute.

Les contrats qu’elle signe avec une autre personne privée relèvent du droit privé et les litiges des tribunaux de l’ordre judiciaire.

Telle est la solution adopté par le Tribunal des Conflits, dans une décision RISPAL du 9 mars 2015 (n° 3984, RISPAL contre Société ASF).

Le Tribunal des conflits revient donc sur la vénérable jurisprudence « Entreprise Peyrot » (T. confl., 8 juill. 1963, Rec. CE 1963), qui a fait les « délices » des étudiants en deuxième année de droit…

Avec l’arrêt Peyrot, le Tribunal des conflits avait, en 1963, introduit la notion de travaux appartenant « par nature » à l’État et réalisés « pour son compte », conduisant à qualifier d’administratif un contrat pourtant passé entre deux personnes privées.

Cette solution avait été confinée aux seuls travaux routiers et autoroutiers, ce qui a largement porté atteinte à l’intérêt qu’on pouvait lui accorder. L’arrêt Rispal abandonne cette ligne jurisprudentielle dont le maintien était régulièrement remis en cause.

Désormais, le Tribunal des Conflits estime que la construction des routes nationales n’appartient plus par nature à l’État.

Un concessionnaire n’est donc plus nécessairement regardé, quand il y procède, comme agissant pour le compte de l’État, conférant ainsi à l’opération le caractère de travaux publics et au contrat passé pour y procéder comme relevant à la fois du droit administratif et de la juridiction administrative.

À moins, nuance le Tribunal des conflits, que le contrat ne comporte des conditions particulières qui révèlent un acte du concessionnaire réalisé pour le compte de la personne publique concédante.

Reprenant ainsi la réserve émise récemment pour la généralité des concessionnaires, qui agissent toujours pour leur propre compte et non pour celui de la personne publique concédante, sauf conditions particulières (T. confl., 9 juill. 2012, n° 3834).

Les contrats ne passeront pas sans prévenir d’un statut de droit public à un statut de droit privé: il faut se placer à la date de conclusion du contrat pour en apprécier la nature juridique,  précise le Tribunal des conflits.

Cette nouvelle jurisprudence et ses effets sur la nature du contrat ne concerneront donc que les contrats intervenus depuis le 9 mars 2015.

Pour les contrats antérieurs, la jurisprudence Entreprise Peyrot conservera donc son actualité

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