La démolition d’un ouvrage public illégal

Le 12 Avr 2013

Par Patrick Gaulmin

Le principe d’intangibilité de l’ouvrage public, création jurisprudentielle datant de 1853, illustré par l’adage « Ouvrage mal planté ne se détruit pas » aboutissait à accorder un avantage substantiel à l’Administration, et ce au détriment de l’intérêt privé.

Jusque dans les années 70, en cas d’implantation irrégulière d’un ouvrage public, le juge administratif rejetait systématiquement les demandes concernant la modification ou la destruction de l’ouvrage.

La seule possibilité de réparation pour le requérant était l’indemnisation.

Peu à peu, ce principe a été ébranlé, notamment avec un arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation (6 janvier 1994), dans lequel le juge judiciaire remet en cause la politique d’expropriation indirecte de l’Administration.

En revanche, le juge administratif restait tenu par l’impossibilité d’adresser une injonction à l’administration jusqu’au vote de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale, et administrative.

Le Tribunal des Conflits (6 mai 2002, Binet) et le Conseil d’Etat (29 janvier 2003, SDEG Alpes Maritimes) ont ainsi abandonné progressivement ce principe.

En effet, le Tribunal des Conflits a consacré en 2002 la possibilité de démolition d’un ouvrage public lorsque celui-ci est érigé par voie de fait, tandis que le juge administratif est allé encore plus loin en énonçant qu’un ouvrage public peut être démoli si celui-ci est installé de façon irrégulière, dans le cas où la démolition répond à un intérêt général, et après établissement d’un bilan coût / avantage.

Le Tribunal Administratif de Toulon vient de rendre un jugement illustrant la possibilité de détruire un ouvrage public érigé de façon irrégulière (TA TOULON, 28 mars 2013, n° 1000842).

Dans cette affaire, l’une des parties d’un ouvrage public construit par la commune (une médiathèque) n’était pas conforme au permis de construire : son toit débordait largement sur la rue, plongeant ainsi dans l’obscurité l’immeuble situé en face.

Ceci entraînait une dévaluation de l’immeuble ainsi qu’un trouble de jouissance pour mes clients, habitant dans cet immeuble.

Nous avons donc diligenté une procédure devant le Tribunal Administratif de Toulon afin d’obtenir à titre principal la démolition de la partie irrégulière de l’ouvrage, ou à titre subsidiaire, une indemnisation.

Le juge a reconnu la responsabilité de la commune pour faute et a considéré que la démolition de la partie de l’édifice n’étant pas conforme au permis de construire ne constituait pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

La démolition partielle a donc été prononcée par le juge.

En définitive, le principe de l’intangibilité de l’ouvrage public a donc considérablement perdu de sa force.

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