La présomption de responsabilité des constructeurs

Le 4 Juil 2012

Par Patrick Gaulmin

Ce jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 juin 2012, (n°10/06559) a le mérite d’appréhender un certain nombre de questions intéressant le régime de la responsabilité des constructeurs et les garanties de l’assurance décennale.

Les faits à l’origine de cette affaire étaient les suivants : nos clients avaient souhaité réaliser l’aménagement d’une vaste terrasse, en contrebas de leur villa, sur laquelle devait être édifiée une piscine, ladite terrasse étant supportée par un imposant mur de soutènement, très ancien, surplombant le littoral.

Un architecte était chargé de la conception et la maîtrise d’oeuvre du projet et différentes entreprises étaient chargées, par lots, des travaux de terrassement et remblaiement, maçonnerie et gros oeuvre, construction de la piscine…

Quelques mois après la réception des travaux, le mur de soutènement et une partie de la terrasse s’effondraient, entraînant la chute de plusieurs tonnes de pierres… la piscine résistant fort heureusement à la chute.

Suite à ce sinistre, après expertise judiciaire, nous avons saisi le juge aux fins de condamnation de l’architecte et des divers entrepreneurs, ainsi que leurs assureurs respectifs, à indemniser nos clients.

L’expertise avait permis de démontrer qu’il existait à la fois des « défauts de conception », engageant la responsabilité de l’architecte maître d’oeuvre mais également « des défauts dans l’exécution des travaux », pouvant également engager la responsabilité des constructeurs.

En la matière, il existe une présomption de responsabilité des constructeurs, en vertu de l’article 1792 du Code civil.

Pour tenter d’y échapper, les constructeurs invoquaient, entre autres moyens, l’absence d’incorporations des ouvrages : en effet, si les nouveaux ouvrages ne sont pas incorporés avec les existants, la présomption de responsabilité découlant de l’article 1792 ne s’applique pas.

Dans ce cas il aurait fallu démontrer l’existence d’une violation des obligations contractuelles, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil.

De même, en l’absence d’incorporation, l’assurance de responsabilité décennale n’est pas tenue de prendre en charge le sinistre, en vertu de l’article L. 243-1-1 du Code des Assurances.

Dès lors que nous avions démontré que le sinistre provenait des erreurs de conception et d’exécution et que les ouvrages étaient incorporés aux existants, le maître d’oeuvre et les deux entreprises à l’origine des désordres ne pouvaient qu’être condamnées solidairement à payer à nos clients une somme destinée à assurer la réparation… représentant plus de deux millions d’euros.

La question de la garantie de l’assurance était donc essentielle compte tenu des sommes en jeu.

S’agissant des rapports entre les constructeurs, l’article 1792 ne s’applique pas.

Ainsi, comme le relève le tribunal, « leur responsabilité, pour être retenue, nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre eux », conformément aux dispositions de l’article 1382 du Code civil.

En l’espèce le juge estime que le maître d’oeuvre devrait supporter 60% des condamnations, 30 % restant à la charge de l’un constructeur et 10 % à la charge de l’autre.

Ce jugement, parfaitement orthodoxe, démontre la nécessité d’agir, dans ce genre d’affaire, avec patience et persévérance, pendant toute la durée des opérations d’expertise puis la phase contentieuse.

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