Précisions sur les atteintes au droit de propriété portées par l’administration

Le 25 Oct 2011

Par Patrick Gaulmin

Le Conseil constitutionnel vient de rendre deux décisions qui permettent de définir dans quelle mesure et sous quelles conditions l’administration peut porter atteinte au droit de propriété.

La première affaire concernait les articles 1er, 3 à 7 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution de travaux publics, les agents de l’administration ou les personnes auxquelles elle délègue ses droits peuvent pénétrer dans les propriétés privées pour y exécuter les opérations nécessaires à l’étude des projets de travaux publics civils ou militaires, exécutés pour le compte de l’Etat, dès lors qu’un arrêté préfectoral les y autorise.

Si les intervenants ne peuvent pénétrer à l’intérieur des maisons d’habitation, dans les autres propriétés closes, cette introduction ne peut avoir lieu que cinq jours après notification au propriétaire, ou, en son absence, au gardien de la propriété.

Ces occupations temporaires peuvent notamment donner lieu à l’abattage de plantations, à l’extraction ou au ramassage de matériaux, à la fouille ou au dépôt de terre.

Dans sa décision du 23 septembre 2011 (n° 2011-172 QPC), le Conseil constitutionnel considère que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Il énonce pour cela que ces dispositions en cause n’entraînent pas de privation du droit de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789.

Il ajoute notamment que les atteintes à l’exercice du droit de propriété résultant de la réalisation des opérations entreprises ont pour objet de permettre l’étude des projets de travaux publics, civils ou militaires et que les atteintes apportées par les dispositions contestées à l’exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

La seconde affaire était relative aux servitudes de passage dans les espaces boisés instituées par l’article L. 321-5-1 du Code forestier.

Le texte en cause énonce que dans les bois classés et dans les massifs forestiers, une servitude de passage et d’aménagement est établie par l’Etat à son profit ou au profit d’une autre collectivité publique, d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une association syndicale pour assurer exclusivement la continuité des voies de défense contre l’incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l’établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts.

L’assiette de cette servitude ne peut excéder une certaine largeur (6 mètres) et si une largeur supérieure est nécessaire, une enquête publique doit être entreprise.

Ce texte ajoute qu’en zone de montagne, une servitude de passage et d’aménagement nécessaire à l’enlèvement des bois bénéficie à tout propriétaire et qu’à défaut d’accord amiable, le juge fixe l’indemnité comme en matière d’expropriation. Enfin, il énonce que si l’exercice de cette servitude rend impossible l’utilisation normale des terrains grevés, leurs propriétaires peuvent demander l’acquisition de tout ou partie du terrain d’assiette de la servitude et éventuellement du reliquat des parcelles.

Les requérants faisaient valoir que ces dispositions, en instituant une servitude de passage et d’aménagement, n’apportent pas seulement des limites à l’exercice du droit de propriété mais organisent, sans garantie légale, une privation de propriété.

Dans sa décision du 14 octobre 2011 (n° 2011-182 QPC), le Conseil constitutionnel considère que l’article L. 321-5-1 du Code forestier est contraire à la Constitution.

Il relève que le législateur s’est borné à prévoir une enquête publique pour les seuls cas où les aménagements nécessitent une servitude d’une largeur supérieure à six mètres et qu’il n’a donc pas prévu, dans les autres cas, le principe d’une procédure destinée à permettre aux propriétaires intéressés de faire connaître leurs observations ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d’arbitraire dans la détermination des propriétés désignées pour supporter la servitude.

Il ajoute, toutefois, que l’abrogation immédiate de l’article L. 321-5-1 du Code forestier aurait des conséquences manifestement excessives et qu’il convient de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation.

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